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 Taxe pour la Copie Privée : la commission dans la tourmente

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Ca jazze pas mal en ce moment autour de la Commission d'Albis qui gère la taxe pour la Copie Privée. Si si, vous savez, la taxe qui nous fait payer les CDs vierges deux fois plus cher que n'importe où ailleurs, ou qui augmente significativement le prix des balladeurs MP3.

Présentons d'abord un peu la chose pour ceux qui ne connaissent pas trop...

Le gouvernement (il y a quelques années) a créé une commission de 24 personnes afin d'établir les tarifs pour la taxe pour la copie privée. Déjà, je trouve ça passablement étrange qu'une commission nommée puisse décidée unilatéralement du tarif d'une taxe légale, sans que rien ne passe par le gouvernement ou l'assemblée. Mais passons, ça n'a pas l'air de choquer quiconque, donc c'est peut-être un système standard pour déterminer les tarifs/amendes/peines à appliquer...

La commission est constituée de 24 membres : 12 sont des représentants des ayants-droits, des membres d'associations d'artiste, des majors, de la SACEM, enfin bref, de ceux qui récoltent l'argent de la taxe ; 6 sont des représentants des industriels qui fabriquent et vendent le matériel informatique susceptibles d'être taxé ; 6 sont des représentants des associations de consommateurs. Chaque décision est votée et s'il y a égalité, le directeur de la commission a un vote supplémentaire pour décider. Bien évidemment, ce directeur est toujours du côté des ayants-droits. Du coup, les ayants-droits ont toujours la majorité absolue et toutes les propositions faites pour augmenter le montant de la taxe sont toujours acceptées... Et on se demande pourquoi on se retrouve avec une taxe énorme, surtout en comparaison des taxes équivalentes existantes dans les autres pays européens. Beaucoup de consommateurs avisées sont maintenant habitués à acheter leur matériel sur des sites étrangers (belges ou allemands) pour éviter de payer la taxe... Elle est pas belle la vie ?

Le dernier essai en date de cette commission est de faire taxer les téléphones mobiles pouvant lire des fichiers MP3 avec en ligne de vue direct : l'iPhone. Ca a visiblement été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Plusieurs représentants des associations de consommateur ont décidé de claquer la porte, considérant que la commission n'était qu'une parodie de démocratie et ne servait qu'à entériner les décisions unilatérales des ayants-droits. Quelques jours plus tard, c'est au tour des représentants industriels de claquer la porte. Mais l'absurdité continue : le corum n'est bien sûr pas atteint, pas de souci, les statuts permettent le vote de toutes les décisions même si le corum n'est pas atteint (il sert à quoi le corum alors ?). Du coup, le vote concernant la taxe sur les appareils téléphoniques est toujours prévu pour le 27 février, personne ne semble gêner. Mais ça commence à se voir un peu... On aura même droit à un article dans le Monde à ce sujet... Rigolo, histoire de se faire bien voir, la commission a même réalisé un gentil petit clip vidéo pour expliquer pourquoi il est normal de payer une taxe pour rémunérer les créateurs. Ben voyons :)

Mais finalement, c'est le principe même de la taxe qui ne tourne pas rond... Ok, la loi autorise la copie privée (depuis toujours d'ailleurs), ce qui permet ainsi  de faire une copie de sauvegarde, ou une copie d'un CD sympa pour mon petit frère. Le "Fair Use" anglo-saxon se traduisant en France par la copie privée : la possibilité de faire une copie tant que ça reste dans le cadre familial ou amical. Après plusieurs années d'inconnu, les tribunaux ont plus ou moins reconnus que les téléchargements étaient illégaux (ce qui semble, somme toute, assez logique), sont donc assimilés à du piratage et donc condamnables à des peines non négligeables (amende et même prison ferme). A l'époque de la loi DADVSI, un certain nombre de députés avaient proposé le mécanisme de la licence globale, permettant de rendre les téléchargements légaux sous contrainte de payer une redevance similaire à la redevance télévisuelle. Evidemment, ça a raté, la licence globale a été abandonnée, et le piratage est resté un acte illégal.

Là où ça devient n'importe quoi, c'est que la commission prend en compte les téléchargements illégaux pour déterminer un manque à gagner pour les ayants droits et faire payer ainsi une taxe plus élevée. Sous prétexte que des personnes font des choses illégales, on fait payer plus cher les autres. Donc, on paye deux fois : une première fois avec la taxe, une deuxième fois le jour où on se fait prendre par la justice. Conceptuellement, c'est bizarre, justifier une taxe gouvernementale par l'acceptation d'actes illégaux. S'il y a des actes illégaux, on fait ce qu'on peut pour les supprimer (c'est un problème de justice). Il aurait été tellement plus simple de mettre en place une véritable licence globale qui légalise le téléchargement tout en faisant payer pour cette utilisation... D'autant que c'est de toute façon, ce qui va se mettre en place dans les prochaines années avec tous les systèmes d'abonnement ou de téléchargements gratuits remplis de pub...

On vit dans un monde rigolo...

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